Les religieux aussi ont une sexualité. 

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Les religieux aussi ont une sexualité. 

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1. La sexothérapie pour les « religieux »?

Ma spécialité de sexothérapeute concerne aussi les personnes qui ont fait le choix religieux de ne pas avoir de relations sexuelles. Car, elles sont sexuées comme tout le monde. L’absence de relations sexuelles ne signifie pas en aucun cas absence de sexualité. Elles sont tout autant confrontées à des pulsions, des désirs, des fantasmes

– Un homme se posait la question de devenir prêtre. Il m’avait confié avoir rencontré un médecin avant de rentrer au séminaire car il ne « décalottait » pas. Il ne voulait pas que ce complexe secret ne brouille la pureté de sa décision.

– Une religieuse d’un certain âge avouant avoir une relation difficile avec son corps de femme au point d’avoir éprouvé le besoin d’en parler à un couple.

– Un autre homme qui, après avoir quitté le ministère de prêtre, décide d’un suivi psy. Il retrouve durant la thérapie la mémoire d’un viol alors qu’il était au séminaire.

– Telle religieuse qui ne sait que faire de sa compulsion masturbatoire.

– Cet homme heureux, dit-il, dans son ministère mais aux prises avec le porno.

– Un religieux qui doit cacher son homosexualité à ses confrères.

2. La sexualité des religieux en question.

Cela ne dénigre en rien le choix de ces personnes. Je suis bien placé pour savoir que, en couple ou non, la sexualité qui nous habite est faite d’une matière identique. Plutôt que de la nier ou de la sublimer, il est préférable de s’autoriser à une parole sur cette réalité sexuelle en moi, « consacré à Dieu« .

– Ai-je le droit de regarder mon corps de femme même nu, alors que j’ai fait vœu de virginité ?

– Est-ce normal d’apprécier autant les massages que nous nous faisons l’une l’autre pour soulager notre mal de dos ?

– Comment m’aider à passer le moment de la ménopause ? Qu’est-ce que cela change pour une religieuse qui a fait le choix de ne pas avoir d’enfant ?

– Est-ce normal que je vive mal la perte d’érection alors que je suis prêtre?

– Pourquoi ce désir d’enfant se réveille-t-il à mon âge ?

– Me suis-je engagé pour fuir ma sexualité ou par amour de Dieu ?

– Une femme « religieuse » peut-elle être féminine ?

– Que faire de ces fantasmes dans ma prière ?

….

Au travers de ces questions, se révèle notre conception de la sexualité, la façon dont elle a pu s’intégrer dans notre histoire avant même notre engagement religieux comme après. Cela parle aussi de la spiritualité qui nous anime dans notre rapport au corps, à l’autre sexe, à son propre sexe, à l’autre, au plaisir, à la mort, à la vie, à l’amour….

3. Le pouvoir érotique du religieux.

Il y a quelque chose que nous ne pouvons négliger : le pouvoir sexuel, érotique, de la personne « consacrée ».

En effet, la virginité a bien souvent, par exemple, fasciné les hommes. Mais, n’oublions pas non plus, qu’une femme peut être amoureuse d’un homme d’autant plus qu’il est inaccessible, sacralisé,  idéalisé.

Une réflexion de Alain Giami, directeur de recherche de l’inserm et auteur de Infirmières et sexualités, entre soin et relation, Presses de l’EHESP, 2015 m’a interpelé. Je le cite : « On oublie souvent que la relation entre l’IDE et les patients – qui est au cœur du soin – est parfois empreinte d’une certaine forme d’érotisation. Cette érotisation de la relation de soin peut faciliter la prise en charge de l’intime, l’écoute et le toucher, mais elle peut aussi être vécue par les soignantes comme une forme de harcèlement sexuel, quand elle est subie propos insistants, contacts plus ou moins involontaires, allusions à peine masquées… « 

Cette réflexion peut et doit aussi se poser concernant l’érotisation possible de la relation entre la personne « qui a fait vœu de chasteté dans le célibat » et les autres personnes.

La personne engagée religieusement ne doit pas négliger cela.

Pensez-vous que les moniales cloîtrées derrière leur grille sont à l’abri de toutes relations sexuelles ? Croyez-vous que leur robe ample qui tente de cacher leur forme de femme empêche un homme de fantasmer sur elle ?

N’est-il pas important de réfléchir à ce que cela fait à ce religieux d’être l’objet des désirs d’une femme ? Combien de remarques pas toujours bien placées ? « Ça a dû être difficile pour vos parents d’apprendre que vous vouliez être prêtre. Peut-être moins quand même que si vous leur aviez dit que vous étiez homosexuel ».  » Ça ne vous gêne pas de vous habiller avec une robe pour célébrer la messe alors que vous êtes un homme ?  » . Comment puis-je gérer la déclaration amoureuse de cet homme qui ne m’est pas indifférent ? Pourquoi est-ce à moi que cette femme me confie les relations sexuelles qu’elle a avec son mari ? En confession, quel équilibre trouver entre accueillir les confidences d’une personne sur sa vie intime et les provoquer dans une forme de voyeurisme?

4. « Affaires sexuelles » chez les religieux.

Que dire des « affaires sexuelles » qui ont fait jour ces dernières années de la part de religieux (ses)? Ce serait une erreur de penser que c’est ce choix du célibat qui entraîne les déviances sexuelles. Nous le savons, chez les personnes en couple, ces violences sexuelles existent aussi.

C’est pourquoi nous devons réfléchir à la façon dont une certaine forme de religiosité impacte la façon de vivre la sexualité de ces personnes. Car nombre de témoignages de victimes comme d’agresseurs montrent comment la dimension spirituelle et sacrée intervient dans ces affaires sexuelles. Soit, pour minimiser la gravité des faits, soit pour créer de la confusion dans l’esprit de la victime, ou encore pour exercer un pouvoir sur l’autre… Il ne s’agit pas seulement de déviances individuelles mais aussi de dysfonctionnements institutionnels. Ainsi le Pape François, dans sa « Lettre au peuple de Dieu » (août 2019) désigne le « cléricalisme » comme une cause majeure des abus de toute nature, en particulier, sexuels. Et le cléricalisme ne concerne pas que les prêtres mais aussi les personnes qui les entourent, religieux ou non.

C’est une réflexion qui nécessite le croisement des savoirs psychologiques, sociologiques, théologiques… Car le sexe parle autant de l’amour que de la mort, du pouvoir comme du plaisir, de l’individu comme de la société, du charnel comme du spirituel.

 

Voilà pourquoi j’estime important que la sexualité soit prise en compte quelque soit notre choix de vie. En ce sens, la sexothérapie ouvre aussi un espace respectueux, ajusté et bienveillant pour chacun, jusque dans le choix religieux.

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